Les invités d’honneur
du SoBD 2024
Chaque année, le SoBD met à l’honneur deux personnalités de la bande dessinée : un artiste et un auteur ayant écrit sur la bande dessinée. En 2024, le SoBD accueille Fabrice Neaud, auteur de bande dessinée au registre autobiographique depuis plus de trente ans. À ses côtés, Evariste Blanchet, créateur des éditions Bédérama et des revues Bananas et Critix.
Pour les plus impatients, du jeudi 21 novembre au vendredi 6 décembre, rendez-vous au Corner Fabrice Neaud de la bibliothèque Arthur Rimbaud pour consulter en accès libre une sélection de livres de Fabrice Neaud !
Pendant la durée du salon, découvrez plus de 80 œuvres originales au Musée Éphémère de Fabrice Neaud.
Inscrivez-vous dès maintenant à la Master Class avec Fabrice Neaud (nombre de places limité) et aux 3 tables rondes du cycle des invités d’honneur. [Découvrir les thèmes des tables rondes]
Fabrice Neaud
& Evariste Blanchet
Invités d’honneur du SoBD 2024
Fabrice Neaud
Fabrice Neaud est un auteur de bande dessinée que ses lecteurs et lectrices connaissent intimement. Du moins connaissent-ils celui qu’il a raconté dans ses planches depuis près de trente ans.
En 1994, âgé de de 26 ans et fraîchement diplômé des Beaux-Arts, il cofonde la revue Ego comme x avec ses amis et auteurs Loïc Néhou et Xavier Mussat. Il y publie les premières planches de ce qui deviendra son grand œuvre, un laboratoire narratif, sans limite de temps ni de thème : Journal. Des pages de Journal paraissent également dans la revue Bananas, dirigée par Évariste Blanchet, l’autre invité d’honneur du SoBD 2024. Le jeune Fabrice y fait le récit, le plus minutieux et le plus proche possible de la réalité du moment [ou « hic et nunc »], des événements qui marquent sa vie. À commencer par la complexité des relations interpersonnelles auxquelles il est partie prenante, qu’elles soient amicales, amoureuses, ou professionnelles.
Son écriture réfléchie, volontiers analytique contraste avec la dureté de son trait noir à la plume réaliste et hachuré, et l’âpreté sans filtre de la vie qu’il expose : celle d’un « RMIste » longue durée combattant sa misère émotionnelle et sexuelle par des balades nocturnes, quasi-seul moyen à l’époque de rencontrer d’autres hommes. Et surtout, il raconte le drame de l’amour non réciproque, son obsession amoureuse et esthétique pour des partenaires qui se soucient peu de lui.
En 1996, après plusieurs publications courtes, paraît le premier opus monographique du Journal aux éditions Ego comme x. Il relate en une centaine de pages des événements qui eurent lieu entre 1992 et 1993, et sera couronné du prix de l’Alph’art « coup de cœur » au festival d’Angoulême 1997. C’est durant cette décennie que les lecteurs et lectrices de bande dessinée indépendante découvrent les planches autobiographiques de Baudouin, Jean-Christophe Menu, ou David B. Fabrice Neaud, lui, a lu les Nord-Américains Joe Matt et Chester Brown, et lira bientôt Houellebecq, autant d’auteurs dont les questionnements existentiels et sexuels touchent aux siens.
La reconnaissance encourage le dessinateur à poursuivre Journal avec un second volume en 1998, puis un troisième en 1999 suivi d’un quatrième, Les Riches heures, en 2002. Il relate chaque fois des portions de vie révolues depuis des mois voire des années, tout en maintenant une rigueur millimétrique dans l’authenticité de sa retranscription, d’après notes, photographies et souvenirs de l’époque, « journal » oblige. Depuis ses débuts, il a recours à des compositions semi-régulières, favorisant des variations de rythme, la multiplication des plans charnels sur un modèle aimé ou l’écoulement elliptique du temps. Ce faisant, il analyse et questionne le sous-genre autobiographique dans lequel il s’inscrit, revendique de l’aborder par le biais de la structure narrative de la bande dessinée, réfutant le qualificatif snob « littéraire » que l’on est pourtant si tenté de lui apposer.
Sa vie et son œuvre seront marquées par ses amours infructueuses, dans une ville moyenne de province honnie, car étriquée. Stéphane hante le premier volume, puis Dominique, qu’il n’a de cesse de fréquenter, dessiner, puis regretter dans les troisième et quatrième tomes. Cette passion finira par causer son exclusion des petits cercles sociaux locaux, par le truchement de Journal, dont le dispositif expose évidemment l’auteur à l’ire de ses camarades et amants représentés et mis en scène au travers de ruminations intimes parfois comminatoires. « Même à perte, je ne puis vivre sans aimer », écrit-il alors.
Sa solitude et sa détresse sont vertigineuses, elles prennent la forme de métaphores iconiques équivoques : l’effacement, le cœur en souffrance, la destruction, le néant ; d’itérations séquentielles ou ponctuelles de ses traumatismes, notamment une série d’agressions homophobes dont il sera victime. Le volume 4 de Journal sera marqué par une inoubliable séquence muette d’itinérance en nature qui remet Fabrice Neaud et ses lecteurs et lectrices sur la voie de la joie – joie fragile et temporaire mais joie tout de même – et augure un possible renouveau mental pour l’auteur.
Il faudra ensuite attendre plus de vingt ans pour lire la suite de Journal. Dans l’intervalle, Neaud publie des récits courts dans la presse et dans des publications collectives, ainsi que plusieurs albums de fiction et de science-fiction. En 2008, il signe Alex et la vie d’après, un récit sur la séropositivité scénarisé par Thierry Robberecht (association bruxelloise de prévention contre le VIH Ex Aequo), puis un volume de « La petite Bédéthèque des savoirs » consacré au droit d’auteur, avec Maître Emmanuel Pierrat (Le Lombard, 2016). Mais surtout, il infuse dans la cosmologie du diptyque de science-fiction Nu-Men en 2012-2013 son amour pour le récit de genre et notamment les comics de John Byrne ou Jim Starlin, sur lesquels il dissertait déjà dans Journal, dans la bouche de la figure de son ami Denis, (identifiable à l’auteur et l’éditeur Denis Bajram). Il revient à la science-fiction en 2020 avec les deux albums Labyrinthus (Glénat), scénarisés par Christophe Bec.
Les éditions Ego comme x ayant cessé leur activité entre temps [en 2017], c’est aux éditions Delcourt que l’autobiographie de Fabrice Neaud se poursuit. Son second cycle, intitulé Le Dernier sergent, est initié en 2023 par Les Guerres immobiles, un album massif qui en augure encore trois autres et reprend la vie là où l’auteur l’avait laissée, atomisant l’ellipse temporelle entre réalité, réalisation et publication tout en permettant une étonnante réflexivité au sein de l’œuvre, puisque l’auteur y raconte des faits survenus en 1998-2000, soit au moment de la publication de ses volumes 2 et 3. Delcourt réédite à cette occasion les premiers volumes de son journal fleuve de désormais plus de 1200 pages, entreprise inégalée dans l’histoire de la bande dessinée pour son souci de réalité, son degré d’intimité et sa longévité.
Quelques livres signés Fabrice Neaud
Evariste Blanchet
Évariste Blanchet se découvre très tôt le goût des bandes dessinées. Au mitan des années 1960, il apprend à lire avec Le Journal de Mickey et se délecte de séries paraissant dans la presse généraliste et féminine, France-Soir, Le Pélerin, Femme d’Aujourd’hui… À l’instar de nombreux lecteurs de bande dessinée de sa génération, il lit les albums de Tintin, d’Astérix. Comme de nombreux bédéphiles, il fréquente assidûment bibliothèques (et ciné-clubs) et vit comme des traumatismes la disparition de ses revues entassées dans tel ou tel grenier.
Dans les années 1970, il assiste ébloui à l’essor de nouvelles revues de bandes dessinées matures : Charlie, Métal Hurlant, À Suivre… C’est aussi à cette époque que le jeune Évariste, encore adolescent, passe d’amateur éclairé à acteur de la scène fanzineuse, alors en plein boom. Il signe des articles pour des publications désormais disparues, Tresadem, L’Onkrakrikru, Bizu… Cette dernière est publiée par un certain José-Louis Bocquet, qui avant de devenir scénariste et éditeur de renom, cofonde avec Évariste Blanchet (ainsi que Luc Bourcier et Manuel Baudez) les éditions Bédérama en 1979. Les acolytes publient des compilations d’auteurs : Cauchemarrant de Franquin, Si ça sonne ça saigne, de Violeff, Bédés Juvéniles, de Binet… Mais l’échec commercial de deux livres sur le cinéma fantastique d’un dénommé Guy Delcourt précipitera la faillite de l’entreprise.
Qu’à cela ne tienne, Évariste Blanchet revient alors à ses premières amours : la presse, et fonde en 1981 la revue Bananas. Cette première mouture éphémère est constituée principalement de bande dessinée et connaîtra 3 numéros diffusés en kiosque. Elle ressuscitera en 1995 sous une forme trimestrielle agrémentée de contenus relevant du discours sur la bande dessinée : entretiens, critiques, articles. C’est dans cette seconde série que Blanchet publiera entre Charles Schulz et Bud Grace, les planches d’un Fabrice Neaud débutant. Au début des années 1990, puis jusqu’en 2001, Blanchet poursuit ses publications dédiées à l’étude de la bande dessinée, avec le bien-nommé fanzine critique Critix, qui augure de l’orientation résolument textuelle de son travail par la suite.
Bananas reprendra du service en 2006 sous la forme d’une parution annuelle d’une centaine de pages publiant, entre autres, entretiens, articles d’étude, critiques, et retranscriptions de quelques rencontres ayant lieu au festival SoBD (depuis 2010). L’hiver 2024 verra la parution du n° 17 (mais 24e publication) d’une revue dont la fondation originelle remonte désormais à plus de quarante ans.
Lauren Triou
Quelques titres de la revue Bananas
Les rendez-vous du salon autour de nos invités d’honneur
Fabrice Neaud et Evariste Blanchet seront tous deux présents sur le SoBD le samedi 30 novembre 2024, à l’occasion du Cycle des invités d’honneur. Il s’agit d’une série de trois tables rondes permettant de découvrir et d’approfondir le travail de Neaud et Blanchet. Aux côtés d’autres invités, ils reviendront sur leur parcours et leur engagement, ainsi que le style graphique de Fabrice Neaud et les thématiques récurrentes dans son travail. Une sélection de 80 planches fera l’objet d’un accrochage au Musée éphémère du salon.
Ne manquez pas un moment privilégié avec Fabrice Neaud lors d’une Master Class pour découvrir les pratiques de l’artiste et expérimenter sa technique. Si vous souhaitez prolonger cette rencontre, inscrivez-vous également au dîner en petit comité ! [En savoir plus]
Master Class avec Fabrice Neaud
Corner Fabrice Neaud
Musée éphémère de Fabrice Neaud
Évariste Blanchet, portrait, parcours, recherches
Le dessin selon Fabrice Neaud : une pratique à contre-courant ?
Conférence des invités d'honneur
L'œuvre référentielle chez Fabrice Neaud
Précédentes éditions
les invités d’honneur du SoBD depuis 2012